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(Original anglais - Seul le texte prononcé fait foi)

Université d'été de la démocratie

CONFÉRENCE 1: « Nouveaux défis pour la démocratie et les droits de l'homme dans l’Europe d’aujourd’hui »

Déclaration de Maud de Boer-Buquicchio, Secrétaire Générale adjointe du Conseil de l'Europe

Ecoles d’études politiques
Strasbourg, 10 juillet 2006

Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,

Comme la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles, la démocratie doit aller plus vite que le monde environnant pour rester en place .

Le changement est la caractéristique essentielle du monde dans lequel nous vivons. La mondialisation, la diversification culturelle, l’innovation technologique, les évolutions démographique et la gouvernance multi-niveaux ont de profondes répercussions sur l’action des pouvoirs publics.

Ces forces et les bouleversements q’elles annoncent risquent de fausser la démocratie, mais offrent aussi des possibilités de la réinventer.

La réforme des institutions démocratiques se heurtera à des résistances fondées sur des intérêts établis ; elle demandera du temps et sera parfois décevante.

Mais pour garder sa légitimité, la démocratie doit réagir et s’adapter. Elle doit sans cesse chercher à s’améliorer tout en préservant son objet fondamental, ses principes et ses garanties. Cela étant, il s’est avéré de plus en plus difficile pour les gouvernements et les représentants élus de faire face aux multiples changements intervenant dans leurs institutions et structures traditionnelles. D’où un désintérêt de plus en plus manifeste pour le processus politique, une faible participation aux élections, une adhésion de plus en plus nette aux messages des politiques populistes.

Et c’est pourquoi le Conseil de l'Europe a décidé de créer un Forum pour l’avenir de la démocratie. La première réunion du Forum s’est tenue l’année dernière, à Varsovie, trois mois après que la décision pertinente eut été prise lors du Troisième Sommet de l’Organisation, la deuxième se tiendra en octobre prochain à Moscou. Et les réunions ultérieures se tiendront en Suède, en Espagne, en Ukraine et en Arménie.

Mesdames, Messieurs,

La démocratie c’est plus que le droit de voter, d’élire et d’être élu.

Il ne peut y avoir de démocratie sans droits de l'homme. C’est pourquoi la démocratie ne saurait être utilisée pour nuire, pour violer les droits de l'homme ou porter atteinte à la dignité humaine d’un individu ou d’un groupe. Ce n’est pas une considération théorique et pour prendre un exemple concret, je mentionnerai la récente polémique sur les caricatures du prophète Mahomet qui a montré l’équilibre subtil entre la liberté d’expression et le respect des convictions religieuses d’autrui. Autre exemple, nettement moins subtil, celui de mon pays d’origine, les Pays-Bas où un groupe de personnes veut former un parti politique pour libéraliser la pédophilie et la pornographie enfantine.

C’est là bien sûr un paradoxe intolérable, car une démocratie qui sert à compromettre la sécurité et le bien-être des plus vulnérables n’est pas une démocratie.

Malheureusement les menaces qui pèsent sur nos enfants sont multiples et variées. Des violations flagrantes de leurs droits s’observent quotidiennement dans tous nos pays : abus sexuels ou châtiments corporels, mais aussi pornographie infantile sur l’Internet, racisme et traite d’êtres humains impliquant des enfants. Même dans les pays les plus prospères, les enfants sont au mieux exclus, négligés et ignorés, au pire brutalisés et maltraités, voire assassinés. Nous avons l’obligation morale de faire absolument tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir ce type de souffrance.

Le Conseil de l'Europe s’est engagé dans un programme triennal « Bâtir une Europe pour et avec les enfants ». Ce programme permettra à nos Etats membres de respecter effectivement leurs engagements en les aidant à concevoir des politiques de l’enfance intégrées et des cadres juridiques, en créant les institutions et les structures requises, en établissant des réseaux et en produisant des outils et des méthodes de travail ainsi que des ressources pour informer, former et sensibiliser le grand public et les acteurs directement concernés. Mais l’avenir, ce n’est pas demain.

Gabriela Mistral, lauréate chilienne du prix Nobel de littérature a écrit, je cite : « L’avenir des enfants se joue toujours aujourd’hui. Demain, il sera trop tard » C’est maintenant qu’il faut agir.

Quand nous parlons des défis pour les droits de l'homme dans l’Europe d’aujourd’hui, nous devons aussi mentionner la protection des femmes contre la violence. La violence contre les femmes est très répandue, elle revêt de multiples formes, elle est trop souvent tolérée. Dans le monde entier, des filles et des femmes sont violées et abusées sexuellement ou recrutées comme esclaves sexuelles. A ce jour, quelque 135 millions de femmes et de filles à travers le monde ont subi des mutilations génitales au nom des us et coutumes et des dizaines de milliers ont été assassinées au nom de l’honneur. Dans les pays les plus riches, les plus « avancés » du monde, des femmes sont battues à mort par leurs partenaires. Nous avons tous suivi dans les médias la mort des deux fillettes belges il y a seulement quelques semaines.
La violence contre les femmes et les filles n’arrive pas qu’ailleurs, à d’autres. Elle peut se produire ici et maintenant. Elle peut nous frapper, nous, nos amis, nos familles. C’est un problème qui requiert l’attention de tous, à tous les niveaux de la société.

Pour stimuler et renforcer les activités aux niveaux européen et national, le Conseil de l'Europe lancera cette année, en novembre, une grande campagne dont le programme a été adopté par le Comité des Ministres le 28 juin dernier.

Elle entend rassembler les acteurs nationaux, internationaux, gouvernementaux et non gouvernementaux pour les sensibiliser à l’ampleur du problème et à ses effets dévastateurs sur les victimes et sur la société dans son ensemble. Je sais que je peux compter sur vous pour faire passer le message et porter ce problème de droits de l'homme à l’attention du public dans vos pays d’origine.

Il serait inconcevable de parler de démocratie et de droits de l'homme dans l’Europe d’aujourd’hui sans se pencher également sur la question du terrorisme. Permettez-moi de le dire très clairement, le terrorisme représente la plus grande menace pour nos démocraties. Nos gouvernements ont le devoir d’agir et de protéger leurs citoyens. Mais pour lutter contre le terrorisme, l’intransigeance à elle seule ne suffit pas, l’intelligence et la loyauté sont pareillement nécessaires.

La lutte contre le terrorisme ne doit pas recourir à des mesures qui sapent les valeurs mêmes qu’elle entend protéger et celles que les terroristes entendent détruire. Réagir ainsi pour un Etat revient à tomber dans le piège tendu par le terrorisme à la démocratie.

Le Conseil de l'Europe a adopté la Convention européenne pour la répression du terrorisme en 1977 et l’a révisée en 2003. L’année dernière, deux nouvelles conventions, l’une sur la prévention du terrorisme, l’autre, sur la répression du financement du terrorisme, ont été ouvertes à la signature. Dans l’action que nous menons contre le terrorisme, nous devons rechercher l’efficacité tout en respectant les valeurs fondamentales qui sont les nôtres. Tel était l’objet des Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme. La protection des victimes du terrorisme et le cyber-terrorisme sont d’autres questions qui méritent de retenir toute notre attention.

Ce sont là quelques considérations sur le sujet inscrit à l’ordre du jour de cet après-midi. Je sais bien que les membres de nos groupes de travail reviendront sur certains de ces points, mais je ne pouvais résister à la tentation de vous exposer la manière dont le Conseil de l'Europe a relevé divers défis pour la démocratie et les droits de l'homme.

Le Conseil de l'Europe a été créé au lendemain de la seconde guerre mondiale. Au cours de ses –presque- soixante années d’existence, il a acquis une riche expérience, et appris comment défendre et développer au mieux la démocratie et les droits de l'homme. Les Ecoles d’études politiques sont l’occasion d’utiliser l’expérience acquise dans le passé pour former les responsables de demain . C’est très important. En guise de conclusion, permettez-moi de revenir à Alice au pays des merveilles et de citer une fois encore Lewis Carroll pour lequel « c’est une bien tristre mémoire que celle qui ne fonctionne qu’à rebours ».

 
 
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